13 févr. 2013

Juliette fait salon


« On dit que je suis une chanteuse réaliste. C’est faux ! Pour les textes, je me suis souvent inspirée de mes lectures. En fait,  je suis une chanteuse romanesque ! » s’amuse Juliette en préambule de son spectacle de lectures «Le Tigre Mondain ». Un exercice auquel elle s’était déjà livrée en octobre 2000, sous les voûtes historiques de la Conciergerie. A l’époque, elle avait puisé dans des fabliaux paillards du Moyen-âge. Cette fois, dans le cadre plus conventionnel d’une scène de théâtre -mais peut-on parler de convention lorsqu’il s’agit de Juliette ?-, elle nous invite dans son salon, façon boudoir rococo. Bien sûr, l’artiste ne se prend ni pour Madeleine de Scudéry, ni pour la Marquise de Rambouillet ! Ce rendez-vous est avant tout l’occasion de  présenter quelques morceaux choisis parmi ses auteurs « chéris » : Geoffroy Monde, Jules Renard, Dino Buzzati… Des récits entrecoupés de petites sentences assassines, d’apartés cocasses ou d’anecdotes qu’elle distille avec un talent certain de comédienne. Mutine, elle s'inquiète de la présence d’enfants dans la salle avant de feuilleter l’impudent « Manuel des civilités pour les petites filles à l’usage des maisons d’éducation » de Pierre Louÿs. Evidemment, cette épicurienne qui goûte les bons crûs autant que les mots d’esprit, ne résiste pas au plaisir d’ironiser sur l’ouvrage « Moi Zlatan Ibrahimovic ». Un « auteur » suédois plus populaire dans les tribunes des stades de foot que dans les rangs de l’Académie Française ! Un prétexte pour attirer notre attention sur un autre versant de l’écrit sportif avec la désopilante et onirique épopée de « La Passion considérée comme course de côte » d’Alfred Jarry.
 Un vrai festin littéraire dont les ingrédients changent chaque semaine, puisque Juliette pioche, au gré de sa fantaisie et de son humeur, parmi les ouvrages qui l'entourent. On songe évidemment à cette citation de Jules Renard: « Quand je pense à tous les livres qu’il me reste à lire, j’ai la certitude d’être encore heureux »…
Annie Grandjanin

Chaque lundi à 20h30 jusqu’au 25 mars. Théâtre des Mathurins, 36, rue des Mathurins 75008 Paris. Tél. : 01.42.54.90.00

7 févr. 2013

Idir, le passeur


(c) Klaus Roethlisberger
Assister à un concert d’Idir, c’est partager quelque chose de sacré, tant l’homme entre en totale communion avec son public. Au début du spectacle, une jeune fille vient d'ailleurs confier, en quelques mots, la place qu’il tient dans l’histoire et la culture kabyle. Outre le célèbre  « A Vava Inouva », le chanteur a en effet enrichi le répertoire de morceaux empreints d’humanisme dans lesquels il exprimait notamment son amour et son respect pour les femmes. Des femmes qui se sont pressées en nombre, certaines en costumes traditionnels, lors de son premier concert à l’Olympia, le 4 février dernier. Une date qui coïncidait avec la sortie de son nouvel album éponyme, le premier en solo depuis 1993 !
Autant dire que la ferveur était au rendez-vous ! Entouré de ses musiciens complices, de danseuses et d’un quatuor à cordes, il a revisité d'anciens succès et présenté ses nouvelles chansons. Des titres essentiellement en kabyle, évoquant sa montagne ("Adrar Inu"), son rêve d'un monde meilleur ("Targit"), sa maman récemment disparue ("Tayemmatt")… tout en offrant de jolis moments de connivence avec sa fille Nina. Le propos semble un peu moins militant que par le passé, comme si, mettant de côté sa pudeur naturelle, il s'autorisait des émotions plus intimes.
Touchée, la salle a ovationné ce  « passeur » généreux et authentique, dont les messages de tolérance ont largement dépassé les frontières et les générations. Rares sont les artistes qui, en grattant juste deux ou trois notes sur leur guitare, peuvent se vanter de voir leur auditoire enchaîner couplets et refrains dans un même élan. On lui pardonnera donc quelques passages un peu bavards. L'émotion sans doute de retrouver des fidèles qui le suivent depuis si longtemps...
Annie Grandjanin

En tournée : « Le Théâtre » à Corbeil Essonne (9/02), Salle Mac Orlan à Brest (23/02), à l’Olympia de Montréal (15/03), Palais Montcalm à Québec (16/03), Salle des Fêtes de la Mairie de Montreuil (20/04)…